L'objet délaissé par Danielle

Si la comtoise pouvait parler, elle dirait…

Je suis la vieille comtoise de la famille. Tout au long de ces dernières décennies, j’ai écouté les peine et partagé les joies de chacun de ses membres. J’ai carillonné les baptêmes, les mariages. Lorsqu’on ouvre ma porte, à l’intérieur, sur le bois frais à l’époque, un petit garçon avait gravé son prénom : Émile. C’était le parrain de l’ingrate. De celle qui veut m’abandonner maintenant, comme une vieille chaussette, pour aller sur une île déserte en laissant tout derrière elle, même moi !
Si je pouvais hurler, je le ferais. Je ne méritais pas cela. Je ne comprends pas et me refuse à admettre l’éventualité de cet abandon. Pour éviter cela, je suis prête à tout ! Si elle reste, je promets de rallonger le temps lorsqu’elle sera heureuse et de réduire les heures sombres de sa vie. Lorsqu’elle lira ou regardera la télévision, je promets de sonner moins fort afin de ne pas la déranger. Je ferai tout ce qui lui plaira, mais de grâce, qu’elle ne me laisse pas, ou mon cœur, dans un dernier carillon, cessera de battre à tout jamais.