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le zinc de l'écriture
30 janvier 2009

Sybille est partie

PHRASES COURTES

Sybille est partie. Sa tasse fumante laissée derrière elle. Dans une envolée d'écharpe, la violence d'un cyclone. Je reste planté là, abasourdi. Tout avait pourtant bien commencé. Je l'ai rencontrée à l'expo sur Léonor Fini. Elle adore l'art et les chats. Moi aussi. Nous avons ri ensemble devant une litho. Le chat était bleu. Il avait des yeux tout ébouriffés. Sa longue queue noire serpentait. Sybille aussi a un chat : Hector. Un persan magnifique et délicat. Je n'aime pas cette race. Je la trouve prétentieuse. Je lui ai parlé du mien : Félix. Un bon vieux chat de gouttière. Toujours attiré par les feuilles, les crayons. Un chat d'artiste quoi !... Au moins il m'égaie lorsque je remplis mes déclarations d'impôts. Il pose sa patte dans les cases. Je crains qu'un jour il ne fasse un gros pâté. Il est du genre boulimique et obèse. Mais cessons de parler des chats. Après l'expo, je l'ai invitée dans ce café. J'étais attiré par son allure distinguée. Une aura mystérieuse semblait la nimber. Mal m'en a pris de lui parler des femmes. C'est une fervente féministe. Alors évidemment lorsque je lui ai dit que la place des femmes était dans la cuisine !... Elle m'a traité d'abruti décérébré. Ce pléonasme m'a sidéré. Son conformisme aussi. Tant pis, je survivrai. Garçon : la même chose s'il vous plait !

RACCOURCI
Sybille est partie. Et je reste là. Je survivrai.

PHRASES LONGUES

Et voilà, Sybille est partie sans un regard, furieuse, claquant des talons (à défaut de me claquer moi-même malgré son envie de le faire), enroulant avec rage son écharpe autour de son cou et ramassant ses gants, d'un geste sec, sur la table. Elle n'a même pas terminé son thé qui fume encore dans sa tasse, un Darjeeling dont le raffinement lui allait si bien.Tout avait pourtant très bien commencé dans cette expo consacrée à Léonor Fini, peintre onirique passionnée par les félins. Immobile devant un tableau, Sybille était tombée sous le charme étrange d'un chat bleu, long et ascétique, aux yeux ébouriffés et à la queue serpentant dans le coin de la toile, comme une signature. La trouvant belle, émouvante et un peu mystérieuse, je m'approchai d'elle, à petits pas, sans avoir l'air d'y toucher. Je lui fis remarquer des détails du tableau qu'elle n'avait pas remarqué et nous parlâmes "chats". Du sien d'abord, un dénommé Hector, persan magnifique au caractère bien trempé, qu'elle faisait participer, parfois, à des concours. Elle surveillait la nourriture de ce chat avec une méticulosité digne des plus grands chefs. Rien à voir avec mon Félix, un bon vieux chat de gouttière, obsédé par la bouffe, dont le ventre traine par terre. Il oublie parfois son obésité lorsqu'il saute sur le plan de travail de ma cuisine pour tenter d'y dérober une victuaille dont le fumet l'a attiré, mais souvent il rate son objectif et se vautre par terre dans le tintamarre des casseroles qu'il entraine dans sa chute. Heureusement, son côté glouton peu glamour, cache un brillant intellectuel. Il adore les feuilles et les crayons (un chat d'artiste quoi !) et m'égaie, en posant ses pattes dans les cases, lorsque je remplis ma déclaration d'impôt. Je crains toutefois qu'un jour un malencontreux pâté vienne gâcher nos bonnes relations épistolaires. Mais il faut que j'arrête de parler des chats car même si le sujet est inépuisable pour moi, je doute qu'il suffise à la séduire. Je l'invite alors à prendre un café dans le petit troquet situé juste en face de l'expo. Afin de faire mieux connaissance, nous abordons plusieurs thèmes dont la condition féminine. Je considère que les hommes ont laissé trop de libertés aux femmes et qu'ils le paient cher aujourd'hui. Pour moi, la meilleure place pour une femme c'est auprès de sa cuisinière (pas la domestique bien sûr mais l'appareil ménager), de ses enfants et de sa table à repasser. Alors là, patatras, elle est rentrée dans une rage noire, se déclarant être une féministe convaincue, et me traitant d'abruti décérébré. Après ce pléonasme, elle a pris son manteau et m'a fui comme la peste, me laissant tout déconfit devant mon verre de Sauvignon. Mais ce n'est pas une bonne femme qui va me pourrir la vie !... Qu'elle dégage loin de ma vue, je survivrai à cette mégère. Il ne faut jamais se laisser abattre : "Garçon, la même chose s'il vous plait"....

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Danielle

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