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le zinc de l'écriture
2 mars 2013

La voiture et le vélo

Rien ne sert de vrombir, il faut gérer son temps 

Rallier Roscoff à Hendaye vous le prouvera 

 

– Parions  dit le vélo que je verrai l’Espagne avant vous ?

– Balivernes rétorqua la voiture, je serai déjà arrivée que vous verrez encore le viaduc de Morlaix !

– Pari tenu ! 

 Le vélo s’élança, heureusement avec le vent dans le dos.  

 

La voiture pensa : « Bah j’ai le temps. Passons au garage pour les vérifications d’usage. Tomber en panne serait vraiment trop ridicule. »

« Il vous manque de l’huile, lui signala le garagiste. Mais c’est une marque un peu rare ici et nous devons la faire venir. Dans 2 ou 3 heures cela sera bon. »

Et pendant ce temps, le vélo continuait d’avancer …

 

Enfin la voiture se mit en route.

Stop ! Barrage d’agriculteurs en colère. Impossible de passer : une montagne d’artichauts barrait la route ! 

« Oh, cela risque de durer un certain temps, répondit un paysan à sa demande : un peu plus loin ce sont nos collègues qui protestent contre la mévente des choux fleurs.
– Heureusement, se dit la voiture, j’ai bien le temps et même pourquoi pas m’arrêter dormir à Morlaix .Un bon sommeil avant de prendre la route me fera le plus grand bien ! » 

Et pendant ce temps, le vélo continuait d’avancer… 

 

Las, le réveil ne sonna pas ! et quand la voiture partit, le soleil était déjà haut.

En arrivant près de Carhaix ! Déviation ! En raison des fortes pluies, le canal débordait et seuls les piétons et cyclistes pouvaient emprunter une petite passerelle provisoire. Un grand détour donc. Et si la voiture avait pensé à l’huile, par contre elle ne s’était pas préoccupée du carburant … et flop … la panne en rase campagne bretonne. 

Et pendant le temps, le vélo continuait d’avancer …

 

« Bah, j’ai une assurance qui couvre ce genre de risque », se rassura la voiture, en composant le numéro sur son Smartphone. « Quoi, pas de réseau, comment est ce possible ? Je suis vraiment chez les ploucs ! » Par chance un bruit de moteur : des manifestants, revenant d’avoir déversé leurs artichauts et choux fleurs, apparurent, juchés sur leurs tracteurs. « Ah, vous êtes en panne ? De  gazole ? On vous en mettrait bien un peu dans le réservoir mais ce n’est pas possible car nous n’utilisons que du détaxé et nous ne voulons pas de nouveau être contrôlés en infraction, cela suffit pour aujourd’hui ! » Force fut donc de grimper sur un tracteur pour rejoindre une station à 25 km de là 

Et pendant ce temps, le vélo continuait d’avancer …

 

« Avant que l’on vous raccompagne  à votre véhicule, vous allez bien boire un petit coup de cid' avec nous ! En Bretagne, cela ne se refuse pas ! » Ce ne fut donc que fort tard dans la nuit et après avoir beaucoup appris sur les cultures légumières du Léon que l’on parvint à la voiture. 

Après cette journée éprouvante, tombant de fatigue, un petit somme sur la banquette arrière s’imposa. Ce furent des meuglements qui la tirèrent de son sommeil. Un troupeau de vaches – malheureusement pas des pie noires mais de grosses Prim Holstein - entouraient la voiture  léchant à qui mieux mieux, la carrosserie, les rétroviseurs, les vitres. Impossible de repartir  au milieu de ce brouillard d’origine animale ! 

Et pendant ce temps, le vélo continuait d’avancer …

 

Une fois sa toilette faite, la voiture reprit la route, s’arrêta, pour un petit déjeuner à Gouarec et, ragaillardie, fila rapidement sur Pontivy 

« Mon retard est facilement rattrapable, se dit elle. Le vélo est certainement encore en Bretagne, au moins historique. Mais en arrivant à Pontivy, au détour d’un virage, elle se trouva face à un hussard de l’armée napoléonienne, qui lui barrait le passage. Elle crut rêver – c’est vrai qu’elle n’avait pas beaucoup dormi mais quand même et les bolées d’hier étaient pourtant loin – se frotta les yeux… et puis apparurent un deuxième hussard, un troisième. Toute une garnison empêchait maintenant la voiture d‘avancer. Elle abaissa la vitre – qui grinçait un peu encore mal remise du léchage bovin.

« Que se passe-t-il ? » Un hussard s’approcha : « Nous fêtons... mais tenez voici l’Empereur lui même qui va vous renseigner. » Et, ébahie, la voiture vit avancer vers elle, Napoléon (il semble avoir toujours mal à l’estomac ne put-elle s’empêcher de penser en remarquant sa main dans son gilet). « Nous fêtons le bicentenaire de ma ville, Napoléonville, et afin de respecter scrupuleusement le contexte historique, aucun véhicule à moteur n’est autorisé à circuler dans la cité pendant ces deux jours. 

– Ah non, protesta la voiture, je dois absolument continuer ma route. Je suis en compétition avec un vélo et même si le résultat ne fait aucun doute, j’ai déjà pris assez de retard comme cela !

– Oui, je crois que vous avons vu votre vélo mais il est passé il y a deux jours et la ville n’était pas encore en fête. Nous l’avons d’ailleurs encouragé pour ce long périple ! 

– Laissez moi passer ! implora encore la voiture !

– Dois je vous rappeler que j’ai, avec mes hussards, réussi à stopper des armées entières et que votre résistance me parait donc bien ridicule », reprit l’Empereur.

La voiture dut se résigner à perdre encore 48 heures 

Et pendant ce temps le vélo, continuait d’avancer…

 

Repartant après ce repos forcé, la voiture décida de modifier sa route .Le défi stipulait que la voiture devait suivre au plus près le trajet du vélo qui, lui, empruntait les voies vertes, chemins de halage chaque fois que possible. En regardant avec attention la carte, la voiture estima que de Pontivy, il serait plus bénéfique pour elle de rejoindre directement Vannes pour récupérer la 4 voies jusqu’à Nantes. Cela lui ferait gagner un temps qui commençait à devenir précieux.

Mais nous allons voir que tricher n’est jamais la bonne réponse à un problème… Car, en arrivant à Nantes, la voiture, prudente, décida que cette fois l’on ne l’y reprendrait plus, et s’arrêta donc pour faire le plein de carburant. Alors qu’elle remplissait le réservoir, une cacophonie de klaxon, de musiques diverses mais au sein de laquelle dominaient binious et bombardes se fit entendre de plus en plus fort .Puis elle vit des pancartes… « Non, pensa-t-elle, pas encore une manif paysanne ! Le muguet cultivé ici n’a pas de problème de débouchés ! » 

Voyant le numéro d’immatriculation de la voiture BZH 29, un hourrah se fit entendre : « Merci ! Merci d’être venu de si loin pour nous rejoindre à la grande manif demandant le rattachement de la Loire Atlantique à la Bretagne ! » « Le Finistère avec nous », scandaient ils ! Et la voiture fut emportée par le flot et disparut au milieu d’une marée de Gwenn ha Du. 

Et pendant ce temps, le vélo continuait d’avancer…

 

« Peste soit de ces bretons, historiques ou non, ils ne m’ont fait perdre que trop de temps. De plus difficile de continuer à tricher et de rejoindre Royan par l’autoroute, trop de tricherie risquerait de me faire démasquer. Suivons donc la route côtière. Voyons… L’île de Noirmoutier fait partie du parcours ? Bizarre. Payer le pont ? Non, j’ai le temps d’emprunter le Gois, un peu juste sur le plan horaire mais en accélérant cela devrait passer, je suis une voiture puissante. Mais si la voiture connaissait le nombre de chevaux qu’elle avait sous son capot, par contre elle n’avait guère de notion sur l’importance des coefficients de marée sur les hauteurs d’eau… Et, comme beaucoup d’autres avant elle, fut prise au piège de la marée montante. 

« Bah, j’ai l'habitude, lui dit jovialement le garagiste. 24 h heure pour tout vous remettre en ordre et vous pourrez repartir. » 

Le lendemain, bien fatiguée par toutes ces émotions et vexée du coût de ce sauvetage (non pris en charge…), la voiture s’offrit un répit aux Sables d’ Olonne. Alors qu’elle prenait son petit-déjeuner, un habitué du bar vint lui parler du départ du Vendée globe, auquel il avait assisté. « Quelle aventure pour ces marins ! Quelle belle compétition ! » Et la voiture pensa tristement que peut être certains défis avaient plus de panache que d’autres….

Et pendant ce temps, le vélo continuait d’avancer…

 

A Royan, la voiture dut encore attendre plusieurs heures qu’une place se libère sur le bac pour traverser la Gironde.

« Et dire que le vélo lui  n’a pas besoin de réservation et paye 15 fois moins cher ! » pesta-t-elle. Les landes, les pins c’est beau et reposant. les landes, les pins, les landes, les pins … la voiture se mit à somnoler… et doucement dévia sur le côté, dans le sable. 

« Décidément je vais connaître tous les garagistes de l’Ouest », songea-t-elle en regardant la dépanneuse la sortir de ce mauvais pas. Elle reprit la route fermement décidée à en finir aujourd’hui avec ce pari  qu’elle estima décidément stupide, mais toujours gagnable.

 

La route enfin dégagée, l’auto se mit à foncer atteignant 160 au compteur et fut en quelques heures en vue d’Hendaye. 

Elle aperçût le vélo et se dit que – hourrah – elle allait gagner… Quelques centaines de mètres les séparaient seulement, et Hendaye était encore dans le lointain.

« Stop, papiers ! Vous savez à combien vous venez d’être flashé ? » 

Et sous les yeux, étonnés, du gendarme, la voiture épuisée fondit en larmes…

Et pendant ce temps, le vélo était arrivé !

Geneviève T

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