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le zinc de l'écriture
13 janvier 2010

un objet se plaint

Je le savais. Je le savais qu’elle me laisserait. Là.

Notre histoire avait pourtant tellement bien commencé. C’était un soir de Noël. Elle m’avait regardé longuement, m’avait souri bêtement, m’avait fait quelques grimaces, mais rien de bien méchant, je vous assure.

Tout de suite, elle m’a aimé. Si vous saviez. Elle m’avait accroché juste à côté de son lit au beau milieu d’une collection de Pierrot et de Colombine. Dès qu’elle se réveillait, son premier geste était de m’illuminer de son sourire. Elle ne quittait jamais sa chambre sans passer me saluer. Elle me faisait un petit signe de la main et partait en laissant la porte ouverte pour ne pas me couper du monde. Oh ! Bien sûr,  il lui est arrivé, parfois, de partir en claquant la porte parce qu’elle était en retard ou en colère, mais je savais qu’elle reviendrait bien vite me gratifier de son sourire. J’étais heureux.

Je peux même vous confier qu’il lui est arrivé de déposer sur moi la marque de ses lèvres. Une fois, sur mon front, une fois sur ma joue, mais le baiser le plus brûlant fut celui qu’elle posa sur mon cou. Elle devait avoir quinze ou seize ans. En ce temps-là, elle en passait du temps avec moi, et vas-y que j’te raconte mes colères et que je pleure durant des heures, et vas-y des « Comment tu m’ trouves ?», « Pas trop maquillée ? », « J’m’en fiche, moi, j’aime le noir ! ». Et vas-y que j’ te chante des chansons avec la guitare et que j’te fais des chorégraphies. Qu’est-ce que j’aimais la voir ! J’entendais sa mère lui dire : « Depuis que tu es amoureuse, plus rien ne compte ! ». Ah ! Si elle avait su… Moi, je pensais tout le contraire, plus elle était amoureuse et plus elle pensait à moi. J’étais tellement heureux.

Elle m’a emmené partout. J’ai beaucoup voyagé, voyez-vous. J’ai même eu quelques comparses. Des vieux, des jeunes, des gros, des molosses, mais je puis me vanter d’avoir été celui qu’elle n’a jamais abandonné. Oui, elle m’a été fidèle. Je puis le dire. 

Et pourtant, je le savais. Déjà, dans la dernière maison, elle m’a posé là, dans un couloir sombre, sur la porte des toilettes. Plus de chambre où je pouvais respirer son odeur, plus de salle de bain où il m’est arrivé, je l’avoue, de la zyeuter sans pudeur, nue, de face et de profil.

Depuis quelques temps, elle ne me regardait plus. Ou alors, elle me faisait des grimaces, elle fronçait les yeux et s’approchait de moi très, très près, trop près et repartait toujours d’un air dégoûté.

Plus de sourires, plus de caresses des yeux. Quel sérieux. Elle a bien fait de se casser. Moi aussi je m’étais lassé d’elle.


Pascale

 

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