Le grand jour est arrivé : je déménage.

Le grand jour est arrivé : je déménage. Les cartons sont presque tous faits. J'ai essayé de m'organiser mais ai-je pensé à tout ? 

Je m'affale exténuée sur le dernier tabouret. Je regarde les murs nus, le plafond où pend une sinistre ampoule et une vague de tristesse m'envahie. Pourtant je suis rôdée aux déménagements : 10 en 40 ans de mariage ! Mais cette fois rien n'est pareil.

Cette maison est comme une partie de moi-même dont je n'arrive pas à me séparer.  Elle bruisse encore des fêtes avec ma «bande», des anniversaires, des Noëls... 12 ans d'existence sous le même toit ce n'est pas rien. Il n'y a qu'ici que je vous retrouve dans mes souvenirs : Mimi, Claudette, Gilbert .... trop tôt disparus. Il n'y a qu'ici que j'entends vos rires, il n'y a qu'ici que vous êtes vivants et joyeux pour l'éternité. Dans un carton, à mes pieds, gisent les photos de ces moments heureux. Je nous revoie, une coupe de champagne à la main, sur une musique brésilienne, faire la farandole dans le jardin et la maison... Je revoie Gilbert, l'autre papy de mes petits enfants, faire le Père Noël et rentrer par la porte-fenêtre sous le regard effaré d'Owen.

À la question « objets inanimés avez-vous donc une âme ? ». Je réponds oui sans hésiter. Les murs de cette maison conserveront à jamais mes souvenirs.  

Je frissonne devant la cheminée éteinte. Dans le jardin, le vent fait tournoyer les dernières feuilles des arbres dénudés. 

J'ai rencontré à plusieurs reprises les futurs propriétaires. Ils ont eu comme moi le coup de foudre pour cette maison et ils sont adorables. Si nous nous étions rencontrés dans d'autres circonstances, je suis certaine que nous serions devenus amis. Alors je leur laisse les lieux le cœur un peu plus léger.

La ligne de téléphone est coupée, c'est dommage, j'aurais bien aimé appeler Monica, ma meilleure amie, je suis certaine qu'elle aurait su trouver les mots pour me consoler... 

Il reste encore quelques cartons dans la cuisine et la salle de bains à complèter. Il faut que je m'y mette car le camion de déménagement ne va pas tarder. Mes pas résonnent dans les pièces vides. La trace des tableaux se voit sur les murs désespérément nus. N'ayant plus d'électricité, je n'ai plus de chauffage et je frissonne. J'attends maintenant les déménageurs avec impatience.

Le portail était ouvert en grand pour les accueillir... les voilà... je vais pouvoir partir...

Danielle